Henri, Frézal Cordesse, né le 21 décembre 1880 à La Capelle (Lozère) et Marie, Victorine, Berthe Albaret,
petits agriculteurs du Causse de Sauveterre, mariés le 20 mars 1909 au Villard (Lozère), eurent deux enfants,
Henri l’aîné et Albert. Henri Cordesse reçut les sacrements catholiques. Son père fut tué à la guerre le 16
janvier 1918. Sa mère s’installa alors à Marvejols.
Élève de l'école primaire puis du cours complémentaire de Marvejols, il entra à l'Ecole normale d’instituteurs
de Mende en 1926 et devint instituteur en 1929. Il effectua son service militaire dans l'infanterie comme
voltigeur à Mende.
Henri Cordesse enseigna en Haute Lozère dans des écoles de hameaux : Rouveyret (commune de Blavignac)
en 1929, L'Estivalet (Le Malzieu-Forain), en 1931, au Viala (Saint-Denis en Margeride en 1932, aux Faux
(Saint-Alban-sur-Limagniole) en 1933, à Montgros (Nasbinals) de 1934 à 1940, où il pratiqua les méthodes de
Célestin Freinet*.
Il se maria le 4 août 1932 à Rimaize avec Hélène Fielbard, elle aussi institutrice, née le 29 juin 1909 à Saint-Sauveur-de Peyre (Lozère), fille d'un facteur et d’institutrice. Ils eurent une fille, Nicole née le 19 juillet 1936à Nasbinals (Lozère). Membre du Syndicat national (CGT) à partir de 1929, Henri Cordesse fut pendant plusieurs années secrétaire
syndical de son canton et put ainsi fréquenter les réunions du conseil syndical de la section départementale du
Syndicat national des instituteurs après 1936. Sympathisant communiste, il participa à toutes les initiatives
syndicales avant la guerre. Délégué pour la réunion à Bruxelles en 1937 du Rassemblement universel de la
Paix, officier de réserve après avoir suivi les cours de l'école des officiers de réserve de Saint-Maixent (Deux-Sèvres), il exprima des divergences avec les thèses pacifistes de la plupart de ses collègues, s'opposa à la non-intervention en Espagne et aux accords de Munich comme 49 autres syndiqués. À la réunion du conseil
syndical, le 27 octobre 1938, dans le débat sur le Fédération des fonctionnaires, propre à la préparation du
congrès du SNI, il s'opposa à la motion majoritaire, et, dans les discussions pour le congrès de la CGT de
novembre 1938 sur l'indépendance du syndicalisme, il se prononça pour la motion Vivier-Merle*, texte de « statut quo » auquel s’étaient ralliés les anciens unitaires, qui s'opposait à celle du secrétaire général du SNI,
André Delmas*, hostile à la poussée communiste dans les syndicats. Gréviste le 30 novembre 1938, il fut
sanctionné de huit jours de retenue de salaire.
En septembre 1939, mobilisé comme sous-lieutenant au 13e régiment d’infanterie et envoyé sur le front des
Alpes, au sud du Mont-Blanc, Henri Cordesse fut démobilisé le 27 juillet 1940. Il commença son enseignement
au cours complémentaire de Marvejols où il venait d'être nommé enseignant de français. Il figura sur la liste des personnes surveillées, communiquée par l’inspection académique à la préfecture.
Vers la fin de 1941, il entra en Résistance. Affilié au mouvement Combat en 1942, il s’illustra aux côtés de
Gilbert de Chambrun* et de Henri Bourillon, avocat à Mende qui s’était mobilisé pour accueillir les
républicains espagnols et avait été révoqué de son poste de conseiller municipal par le gouvernement de Vichy.
En collaboration avec son collègue de travail, Marcel Pierrel, instituteur alsacien replié et avec d’autres
résistants marvejolais, il participa aux premières actions (distribution de tracts et du journal clandestin de
Combat, réalisation de faux papiers pour les personnes recherchées (juifs, réfractaires, etc.), recherche de
camouflage d’armes et de munitions, accueil chez lui, à Chirac, d’un jeune de onze ans nommé Reiss et de
madame Berliner, allemande qui fut arrêtée plus tard par la “Feldgendarmerie“, participation activeà l’installation à Bonnecombe sur l’Aubrac, du premier maquis composé d’antifascistes allemands en avril 1943).
Le 30 août 1943, il échappa à une arrestation au château de Saint-Lambert à Marvejols où six responsables de la
Résistance lozérienne tombèrent entre les mains des agents de la Gestapo de Montpellier. Il entra alors dans la
clandestinité, muni de faux papiers établis au nom de Firmin Bon. De septembre 1943 au 28 février 1944, il
resta à Mâcon et à Cluny en Saône-et-Loire. Accueilli chaleureusement, il se mit en rapport avec les
responsables départementaux de la Résistance et du maquis des Charbonnières dans la région de Lyon. Henri Cordesse, appelé alors « Robert », revint en Lozère au début de mars 1944. La direction régionale de la
R3 lui attribua le titre de responsable politique sur la proposition de Gilbert de Chambrun en remplacement
d'Henri Bourillon, arrêté le 28 février 1944, incarcéré à Mende et presque immédiatement déporté. Il s’installa
ensuite à Loubaresse (Cantal) chez M. Debort et entra en contact par la suite avec Émile Peytavin* dit« Ernest » responsable militaire, replié non loin à Albaret-Sainte-Marie (Lozère). Par l'épouse de ce dernier, quiétait agent de liaison et par Yvonne Boyer qui se rendait deux fois par semaine à Mende, ils furent en contact
avec le docteur Roger Martin, responsable du Noyautage des administrations publiques. Le « Commandant
Bartho », Alfred Coutarel les mit en relations avec Émile Coulaudon* dit « Colonel Gaspard », de l’état-major
du Mont Mouchet, maquis qu’il rejoignit. Il rencontra, à Saint-Alban (Lozère), le docteur Lucien Bonnafé*,
qui, de 1939-1944, avec de nombreuses autres personnalités du « groupe du Gévaudan », mettaient au point les
bases de la psychothérapie institutionnelle. Il faisait partie du service médical du maquis lors de la bataille du
Mont Mouchet. Cordesse rejoignit ce maquis. Toujours avec Émile Peytavin*, il rencontra Maurice David,« Commandant Thomas », qui était chargé de mission auprès du colonel Cheval et ils lui confièrent le
commandement du maquis de Haute Lozère.
En liaison avec la mission interalliée, du major Hampson, parachutée le 9 juin 1944 dans l’Aubrac, Henri
Cordesse redoubla d’activité pour suivre l’état-major de la Résistance en Haute-Lozère. Comme responsable
politique départemental des Mouvements unis de la Résistance, il sillonna le département pour organiser
l’insurrection et favoriser la création de milices patriotiques. Au cours d’une conférence tenue à Plagnes
(Lozère), il fut pressenti pour le poste de préfet de la Libération. Il déclina l’offre, puis devant l’insistance de
son camarade de combat Émile Peytavin* et de la direction régionale de la Résistance, il donna son accord.
Aussitôt un message radio fut transmis à Alger et le gouvernement provisoire accepta cette proposition. Dès
lors, il se mit à la tâche pour maîtriser les problèmes économiques qui allaient se poser à la Libération. Henri Cordesse devint préfet à titre temporaire du département à la Libération, le 21 août 1944 et s’installaà la Préfecture avec le Comité départemental de Libération. Il dut faire face à la mauvaise situation économique
(ravitaillement extrêmement difficile à assurer, du fait de nombreuses voies de communications coupées,
production très faible). Ce fut pour lui une expérience éprouvante qu’il assuma pleinement qu'il décrivit plus
tard.
Il prit position pour le "oui" lors du référendum constitutionnel du 21 octobre 1945, réponse selon lui
favorable au programme de la Résistance, au référendum constitutionnel en octobre 1945. Le président du
Conseil général lui reprocha cette prise de position, ce qui expliqua cette réponse de Cordesse : "les préfets dans
le passé ont pris parti pour une mauvaise cause contre la France. Je me fais un devoir d'être fidèle à un idéal qui
depuis la Libération a le droit de s'affirmer" et il faisait remarquer que des nombreux conseillers généraux
avaient fait partie de la commission départementale sous Vichy. La majorité du Conseil général demanda alors
son remplacement dans une pétition du 13 mai 1946 signée par 16 conseillers généraux sur 24. Ils l'accusaient
de faire "une politique partisane que nous déplorons" ; les signataires demandaient que cette situation cesse afin
qu'il soit remplacé par "un cadre administratif normal composé de fonctionnaires de carrière". Et comme
argument supplémentaire, ils indiquaient qu'il avait pris position pour le oui.
Henri Cordesse souhaitait ne pas rester dans l'administration préfectorale. Sa démission, par lettre du 24
septembre 1946, fut acceptée aussitôt, alors qu'un décret du même jour le déclarait "intégré dans les cadres de
l'administration préfectorale". Démissionnaire, il ne fut pas concerné par ce décret mais il fut nommé préfet
honoraire le 19 octobre 1946.
Henri Cordesse demanda sa réintégration dans l’Éducation nationale et l’arrêté ministériel du 8 novembre
1946 précisa « Monsieur Cordesse, ex-instituteur au cours complémentaire de Marvejols, ex-préfet de la
Lozère, est nommé pour assurer l’intérim de la circonscription de l’inspection primaire de Florac (Lozère). ».
Comme il avait publié une brochure pédagogique sur l' "École nouvelle" en 1945, il continua à effectuer des
travaux pédagogiques sur les méthodes actives et une étude monographique sur l'Aubrac.
Directeur de centre d'apprentissage, fonction qu'il n'occupa pas, puis nommé en 1948 inspecteur
d’enseignement général de l'enseignement technique en Gironde, il participa aux manifestations des dockers
bordelais contre la guerre en Indochine. Il demanda et obtint sa mutation en 1950 comme inspecteur de
l'enseignement technique dans l'académie de Montpellier, chargé du département de l'Aude, fonction qu'il
exerça jusqu'à sa retraite en 1967.
Lorsque Marcel Cachin* rencontra à la mairie de Marvejols, le 29 juillet 1948 Gilbert de Chambrun*, il fut
accompagné par Cordesse. À la retraite, longtemps compagnon de route du Parti communiste français, il adhéraà ce parti. Cependant d’après sa fille, il n’y resta que quelques mois et sans bruit ne reprit pas sa carte, mais
continua toujours à être proche de cette formation politique.
Après le décès de son ami Émile Peytavin* en 1972, l’Association départementale des Anciens de la
Résistance, dont il était président, connut une période de sommeil. Avec le soutien d’Adrien Boutet, alors
président du comité de l’ANACR de l’Aveyron, Henri Cordesse, titulaire de la médaille de la Résistance,
officier de la Légion d’honneur, prit la présidence de l’Association départementale et oeuvra pour son
développement. L’histoire de la Résistance lui tenant à coeur, il voulut en faire un outil pédagogique pour aiderà la formation des consciences civiques et de la culture citoyenne des jeunes générations. Il participa à de
nombreuses initiatives dans les collèges et lycées pour témoigner de cette période L’écriture fut aussi le support de sa volonté d’interroger l’histoire et de témoigner de celle-ci. Tout d’abord il
publia dans une plaquette un témoignage sur Louis Veylet*, fils de Louis Veylet*, secrétaire du groupe
socialiste de Marvejols jusqu'en 1929, puis communiste. En 1972, son Histoire de la Résistance en Lozère
1940-1944 décrivit les évènements de cette période, ouvrage complété, en mai 1977, par La Libération en
Lozère 1944-1945, signé cette fois par ces simples mots, « H. Cordesse préfet de la Lozère ». Sa volonté de
faire vivre la mémoire résistante le conduisit à être correspondant du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre
mondiale. Avec Marcel Pierrel qui, en 1947, il avait accepté d'être le correspondant départemental de la
Commission d'histoire de l'Occupation et de la Libération qui fusionna en 1951 avec le Comité d'histoire de la
guerre pour devenir le Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Ils publièrent en 1974 un livret qui
résumait les années de résistance en Lozère avec une carte du département situant les maquis, les combats, les
parachutages, les sabotages en 1943-1944. En 1984, il conçut, avec le Centre départemental de documentation
pédagogique de la Lozère, une vidéo-cassette sur les faits de résistance en Lozère. Il participa activementà plusieurs colloques sur l’histoire de la Résistance : les 1er et 2 octobre 1993 à Saint-Affrique (Aveyron), les 17
et 18 mars 1995 à Rodez (Aveyron), à Montpellier le 14 mars 1996, à Millau (Aveyron) les 8, 9 et 10 octobre
1998. Il intervenait régulièrement dans les établissements scolaires pour évoquer la Résistance.
Son nom fut donné à une place de Marvejols, dès la Libération sans son avis. Pour leur action en faveur des
Juifs, son épouse et lui reçurent en 2006 la médaille des Justes à titre posthume.
OEUVRES : Louis Veylet 1911-1944, Montpellier, Imprimerie de la Presse Reschly, 1972 ; Histoire de la Résistance en Lozère 1940-1944,
Reschly, Montpellier, 1976, rééd. 1999 (Les Presses du Languedoc) ; La libération en Lozère 1944-1945,
Reschly, Montpellier, 1977.
SOURCES : Arch. Nat., dossier Cordesse Henri, F/1bI/ 745 et 1057, F7 15475 (dossier Cachin), F17 28875.— Archives des Justes parmi les Nations, dossier Yad Vashem : 10875. — DBMOF, Notice par J. Girault.— Presse syndicale départementale. - Renseignements fournis par l’intéressé à J. Girault à partir de 1975.— Entretien de J. Blin avec sa fille Nicole Cordesse, épouse Ginot, le 18 octobre 2014 à Montpellier. – Félix
Buffière (sous la direction de), Lozériens connus ou à connaître, Toulouse, Privat, 1992.
Jacques BLIN, Jacques GIRAULT